Libre Propos : Philippe César Boutimba Dietha interroge Ali Bongo Ondimba : « Votre Excellence, qu’appelle-t-on « carte provisoire de vaccination » ? »

Un citoyen Gabonais s’insurge contre les critiques acerbes faîtes par certains de ses compatriotes à l’endroit du vaccin chinois contre la covid-19. César Philippe Boutimba Dietha, sont ses noms et prénoms, dénonce dans sa lettre ouverte adressée au Président de la République, Son excellence, Ali Bongo Ondimba, les méthodes d’usages du vaccin SINOPHARM au Gabon. Ce dernier s’étonne que l’on délivre des cartes vaccinales provisoire aux populations.
Ci-dessous l’intégralité de ladite lettre ouverte :
Monsieur le Président de la République,
La campagne vaccinale anticovid est parasitée par des informations déprimantes, autours du vaccin chinois Sinopharm. Cette confusion a eu largement le temps de s’installer dans les cœurs des populations, pour y dresser des barricades antivaccinales. À l’exception de 14.300 concitoyens dont je suis obligé de louer la bravoure. Parmi eux, Votre Excellence Monsieur le Président de la République, mais aussi Madame le Premier Ministre, et tous les membres du gouvernement, chacun avec sa propre famille. Vous avez tous été exemplaires dans cette première phase de vaccination, au milieu d’une opinion publique dubitative et méfiante, et malgré une sensibilisation vaccinale insignifiante. Du fond du cœur, bravo.
Toutefois Monsieur le Président de la République, nous avons appris que les 14.300 premiers vaccinés dont vous faites partie, ont reçu des « cartes provisoires de vaccination », et non des « cartes définitives » qui arriveraient beaucoup plus tard. Cette information a été plusieurs fois réitérée lors de la conférence de presse gouvernementale du vendredi 28 mai 2021. Monsieur le Président de la République, c’est la première fois que j’entends qu’on délivre au Gabon, des cartes vaccinales provisoires. Ce qui motive ma première question à Votre Excellence: qu’appelle-t-on « carte provisoire de vaccination », dans le jargon pharmaceutique international? Est-ce pour des vaccinations ordinaires, pour des tests de vaccin, ou pour les deux types de campagne vaccinale?
Monsieur le Président de la République,
Pour cette opportunité renouvelée.
1. La cacophonie vaccinale a commencé chez nous avec deux annonces antithétiques, autours du choix des immunologiques anticovid. Devant la presse nationale, le ministre de la santé avait brillamment convaincu ses concitoyens, sur les mérites d’un seul et unique vaccin: le russe Spoutnik, dont l’efficacité plafonnait à 96%. Ce jour-là le cœur des populations se maria monogamiquement à Spoutnik, sous l’autorité de l’édile sanitaire de la République, M. Guy Patrick Obiang Ndong. Si la campagne vaccinale avait commencé le lendemain de cette conférence de presse, croyez-moi Monsieur le Président de la République, nos centres de vaccination auraient été largement débordés, et nous aurions vraisemblablement fini cette campagne vaccinale au bout de quelques semaines. Malheureusement la politique revint à la charge, et ce fut à nouveau la catastrophe.
Car quelques temps après la mémorable communication dont je viens de parler, le même magistrat sanitaire alla se présenter ailleurs, dans un magazine panafricain, avec une liste de vaccin amplifiée à 4 produits. Le mariage pharmaceutique contracté devant les médias nationaux, devenait subitement polygamique dans les colonnes de JEUNE AFRIQUE, sans le consentement des populations gabonaises. Cette malheureuse interview embrasa les réseaux sociaux. Jusqu’à aujourd’hui.
Depuis lors, les pompiers de la communication politique regardent les flammes du conspirationnisme dévorer les débats sans la moindre volonté d’intervenir. Monsieur le Président de la République, voici ma deuxième question: qui a donc imposé cette nouvelle liste vaccinale à notre gouvernement, et pour quel but? Qui avait donc intérêt à saborder toute la stratégie de communication de l’exécutif auprès des populations gabonaises?
2. Dans le magazine JEUNE AFRIQUE du 23 février 2021, le ministre de la santé avait donc brandi sa liste vaccinale, révisée et augmentée de 3 sérums. Dans l’ordre de citation, il y avait d’abord le britannique AstraZeneca, que le Président Cyril Ramaposa, votre homologue sud-africain, regrettait d’avoir acheté massivement pour rien. Ce vaccin lui avait coûté deux fois plus cher qu’à ses homologues européens, avec une efficacité réduite à 22% sur le variant sud-africain. Le président de la nation Arc-en-ciel avait donc décidé de s’en débarrasser très rapidement. Coïncidence pour coïncidence, c’est à la même époque que parut dans JEUNE AFRIQUE, la nouvelle liste vaccinale gabonaise. On peut se demander si quelqu’un n’avait pas résolu de nous refiler ces doses de vaccin. Mais à quel prix, et contre quels variants? Par bonheur, le gouvernement gabonais n’a jamais dépensé un seul franc CFA pour ce produit. Du moins jusqu’à présent.
Il y avait ensuite l’américain Moderna, que le gouvernement étatsunien confisquait pour ses 400 millions d’habitants, malgré les larmes surabondantes de l’Union Européenne. Par quel moyen espérait-on au Gabon, fléchir la position du président Joe Biden, quand on sait que les États-Unis étaient à l’époque, le pays le plus ravagé par la maladie?
Il y avait le russe Spoutnik que notre inconscient collectif avait dejà accepté, et que notre gouvernement avait déjà commandé, mais dont personne ne voyait venir les premières doses de vaccin. La nouvelle liste vaccinale du gouvernement avait reclassé Spoutnik de la première à la troisième position, derrière le britannique AstraZeneca et l’américain Moderna. Ce qui pouvait sous-entendre que le russe n’était plus notre vaccin favori. Les nzèbi disent que celui qui n’entend pas la pluie tomber la nuit, verra au moins la boue le matin.
Il y avait enfin le très sulfureux Sinopharm, à l’époque où l’OMS refusait de lui accorder l’homologation, à cause de ses « tests de vaccin insuffisants ». Monsieur le Président de la République, voici ma deuxième question: que faisait un vaccin non homologué sur notre liste vaccinale? Était-ce pour immuniser les populations, ou pour compléter les tests vaccinaux de ce produit-là? Monsieur le Président de la République, je vais reposer cette question différemment: le vaccin chinois qui a été administré à Votre Excellence, à Madame le Premier Ministre et à tout le gouvernement de la République, était-il pour vous immuniser, ou pour faire de vous des sujets pharmaceutiques?
Monsieur le Président de la République, permettez-moi de féliciter l’autodiscipline des porte-parole de la Présidence de la République et du gouvernement, qui pour la première fois depuis de très longue années, ont la pudeur de « ne jamais ajouter de la confusion à la confusion ». À eux aussi, bravo pour la hauteur d’esprit.
3. Notre campagne de vaccination a donc commencé avec le seul et unique Sinopharm, bien avant qu’il soit homologué par l’OMS. Sauf erreur de ma part, les doses de Sinopharm sont arrivées chez nous dans le mutisme absolu du Bureau Régional de l’OMS. Partout ailleurs dans le monde, l’OMS réceptionne les vaccins homologués en compagnie des autorités sanitaires du pays. Chez nous au Gabon, il n’y a pas eu cette complicité entre l’OMS et le COPIL autours du vaccin Sinopharm. Peut-être que la donne changera avec la récente homologation dudit vaccin. En attendant, Monsieur le Président de la République, voici ma troisième question: notre première phase de vaccination anticovid a-t-elle reçu le label de l’OMS, oui ou non? Si la réponse est oui, était-ce un label de vaccination, ou un label de test vaccinal?
De surcroît, Monsieur le Président de la République, en mars 2021, le vaccin Sinopharm était le plus faible sur notre liste vaccinale, avec un taux d’efficacité de 72%. Monsieur le Président de la République, voici ma quatrième question: qu’est donc venu faire un vaccin non homologué, et de faible puissance, dans la campagne vaccinale anticovid au Gabon? Était-ce pour immuniser les populations, ou pour compléter les tests dudit vaccin?
Nous constatons que Sinopharm a finalement reçu son homologation, après notre première phase de vaccination. Voici ma cinquième question: les chiffres du Gabon ont-ils été ajoutés au dossier d’homologation de Sinopharm, oui ou non? Si la réponse est oui, le COPIL devrait nous éclairer sur cette question. Quand cela aura été fait, les gabonais iront peut-être massivement se faire vacciner.
Monsieur le Président de la République, vous aurez constaté que les questions gravitent autour de la confusion entre campagne de vaccination et campagne de tests vaccinaux. Je supplie Votre Excellence, de considérer cette préoccupation dans la prochaine campagne de sensibilisation vaccinale.
Recevez, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très profonde gratitude, et de ma considération illimitée.
Libreville, le 31 mai 2021
Philippe César Boutimba Dietha